Conseil Municipal du 21 novembre 13, débat sur les rythmes scolaires

Publié le par Dominique Attia, Stephan Beltran, Murielle Bensaï

Intervention de Dominique ATTIA sur les rythmes scolaires, au nom des élus Communistes / FASE

 

Mesdames, je vous remercie de vos interventions et des éclairages particuliers que vous portez. La FCPE Nationale n’a pas les mêmes positions qu’un certain nombre d’unions locales. J’espère que vos avis seront entendus et pris en compte.

 

Chacun ici a en mémoire la mise en place du Projet éducatif local et global en 2007, et des interrogations, des critiques, des inquiétudes qu’il avait suscité dans la communauté éducative qui n’ont pas été entendues. Je me souviens aussi que les élus qui siègent maintenant dans la majorité y étaient farouchement opposés en argumentant à juste titre la façon hâtive, non démocratique, qui avait prévalu à l’époque pour son application.

 

Si nous avions eu tort de rester camper sur nos positions et si nous n’avons pas su entendre ces alertes, ce besoin de concerter davantage, bref de prendre plus de temps, je remarque que cela ne vous a pas servi non plus puisque vous nous proposer pour cette délibération de soutenir le texte Peillon et d’approuver cette réforme qui propose dans ses grandes lignes ce que proposait le PELG.

 

J’affirme de façon solennelle que nous sommes attachés au service Public de l’éducation. Et la première question qui me vient à l’esprit dans cet attachement : c’est que faire pour que nos enfants, réussissent tous et partout

 

Première remarque, le terme réforme est dans notre vécu depuis quelques années, comme un recul des droits sociaux, j’en veux pour exemple la réforme des retraites. Et cette réforme Peillon, est tout aussi vécue comme un recul en matière d’offre éducative et d’épanouissement, de « bricolage », agencé pour qu’un ministre laisse un nom dans une histoire gouvernementale peu glorieuse parce que rien ne change, parce que la vie est de plus en plus dure, parce que les gens vivent de plus en plus mal, parce que les inégalités sont insupportables, comparées à l’arrogante opulence des plus fortunés.

 

Bref cette réforme, n’est pas le changement dans ce qu’on est en droit d’attendre pour l’éducation,  l’émancipation, l’accès aux connaissances, pour une éducation nationale qui ne badine pas avec nos enfants.

 

Bien sûr les parents, les enseignants, les personnels qui interviennent auprès des enfants ont des avis, des réflexions, ils pensent, élaborent, et sont en droit de vouloir être entendus et respectés. Il n’y a pas d’un côté ceux qui réfléchissent et pensent pour les autres, et de l’autre ceux qui appliquent docilement.

 

Quel que soit l’avis que l’on porte, il est indispensable de prendre le temps, de consulter, écouter, car l’effet principal de cette réforme semble être la désorganisation du service public de l’éducation nationale et son éclatement en unités géographiquement plus restreintes, et en limitant les budgets alloués.

 

La légitime inquiétude quant à cette réforme qui laisse aux collectivités la façon de s’en débrouiller contribuera au renforcement des inégalités territoriales, à l’affaiblissement du service public et au droit des jeunes, de tous les jeunes à une formation d’égale qualité.

 

Cet incroyable autoritarisme révèle le fossé entre ceux qui nous gouvernent et la gravité du malaise du monde éducatif ?

 

Y a-t-il urgence à mettre en place ces nouveaux rythmes ?

 

Cette urgence ne réside t’elle pas à améliorer les conditions d’enseignement en diminuant les effectifs par classe, par exemple, en scolarisant les enfants à partir de l’âge de deux ans assortis des moyens appropriés à cette scolarisation, notamment dans les quartiers populaires, ou encore à s’interroger sans à-priori sur les causes réelles de l’échec dramatique de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture pour près d’un élève sur quatre ? Bref, à repenser ensemble - parents, enseignants, élus – les conditions d’une véritable redynamisation d’un système éducatif mis à mal par plusieurs décennie de politiques destructrices. Au lieu de quoi nous avons eu droit à une loi qui conforte les orientations les plus rétrogrades des réformes successives, Fillion, Darcos, pour ne citer qu’elles, et à un décret sur les rythmes scolaires qui organise le creusement des inégalités territoriales existantes, bouleverse les équilibres de vie des parents comme des enseignants sans aucun effet positif sur les conditions d’apprentissages scolaires et transfère sur les collectivités territoriales et les familles les coûts d’une réforme qui ne garantit même pas la qualité minimum requise des prestations éducatives promises.

 

On reste, du coup, tristement admiratif devant l’habileté avec laquelle on se défausse une fois de plus sur la question fondamentale des apprentissages, des conditions pédagogiques de plus en plus dures dans lesquelles les dispositifs successifs d’enseignement viennent à produire tant d’échecs dont pâtissent largement les enfants d’origine populaire. Entre ces conditions scolaires productrices de difficultés et les nouveaux rythmes, c’est à la double peine que Peillon les condamne en essayant de faire croire qu’il aura accordé la priorité au primaire. 

 

Tous les enseignants se plaignent du manque de temps dont ils disposent pour bien conduire leur enseignement et « boucler le programme ». Ainsi, on peut craindre que certains enseignements tels que la musique, le dessin, la peinture, l’éducation physique et j’en oublie surement, pourraient être retirés des programmes scolaires pour être confiés aux collectivités territoriales en dehors du temps scolaire imposé nationalement. Ce qui laisserait le choix aux familles disposées à payer pour des formations non obligatoires, et les autres qu’elles se débrouillent.

 

Nous savons tous qu’un élève qui se sent en situation d’échec dès ses premiers apprentissages (lecture-écriture) non seulement se « fatigue » rapidement lorsqu’il doit produire un effort cognitif en classe, mais cumule rapidement les difficultés dans un processus d’échec scolaire durable.

 

Dès lors, la vraie question devient : comment faire pour que l’élève ne s’ennuie pas en classe ? Que faire, surtout, pour qu’il réussisse ? Quels temps de repos nécessaire entre deux activités ? Quelle alternance entre des activités nécessitant une forte mobilisation intellectuelle pour des apprentissages efficaces, et d’autres moins exigeantes sur ce plan ? Et quelle répartition de ces activités dans la journée ?... A ces questions décisives, seule une vraie concertation sans préalables avec les professionnels de l’éducation, les animateurs de l’enfance, les parents, aurait été susceptible d’apporter des réponses satisfaisantes en termes de conduites pédagogiques à mettre en œuvre.

 

La non-différenciation de ces facteurs conduit de fait à fragiliser encore plus ce qui est déjà fragile chez les élèves les plus en difficulté, fragilisation encore accentuée du fait des modalités souvent incohérentes de mise en œuvre des activités périscolaires. Les enfants (notamment les petits) ont besoin de stabilité et non d’une explosion des repères et des cadres comme l’induit presque automatiquement le morcellement du temps qu’impose aujourd’hui cette réforme.

 

Pour autant, on ne saurait nier l’intérêt de développer en direction de tous les jeunes des activités prenant en compte les usages sociaux et culturels plus ou moins directement liés aux disciplines scolaires (théâtre, musique, danse, arts plastiques, …) dont la pratique est aujourd’hui réservée à un nombre restreint de jeunes provenant le plus souvent de milieux sociaux favorisés.

 

Aussi, cette orientation implique un grand soin apporté à la formation des animateurs concernés, qui doivent concevoir leur pratique professionnelle en lien étroit avec celle des enseignants, et une articulation intelligente des temps, des contenus et des lieux réservés à chaque activité. On remarquera tout de même que la différenciation introduite dans le temps scolaire entre activités d’apprentissage et autres activités – dites périscolaires - à caractère culturel repose sur une conception hiérarchisée et élitiste des savoirs et de la culture. Or, toutes ces activités contribuent, chacune à sa manière, et sans hiérarchie, à la formation de l’esprit, au développement de la curiosité intellectuelle et de l’intelligence du monde qui nous entoure, et c’est à l’école publique et à ses maîtres que la charge en revient, en collaboration avec des partenaires éducatifs.

 

L’organisation des activités scolaires complémentaires aux apprentissages ne saurait être laissée à l’aléatoire des situations locales, en particulier aux capacités financières des municipalités ou des familles dont se nourrissent les inégalités scolaires.

 

Cette réforme a relégué au second plan les questions pédagogiques, les effectifs et l’indispensable formation des maitres.

Prendre l’ensemble de ces questions à bras le corps, et pas juste par le prisme d’une énième réforme, c’est avoir l’ambition d’engager un processus démocratique de co élaboration d’un projet pour l’éducation nationale égalitaire, laïque et républicaine.

 

On a besoin donc d’y retravailler, de faire d’autres propositions, et je crois qu’elles ne manquent pas.

 

En tout cas, on ne peut laisser imposer des choix que nous ne partageons pas.

 

Montreuil est la 4ème ville d’Ile de France et peut refuser de passer sous les fourches caudines qu’elles soient, académiques, rectorales ou gouvernementales, aussi, nous demandons que cette réforme mal ficelée ne soit pas appliquée à la prochaine rentrée. Déjà des villes s’engagent dans cette voie.

 

En conclusion, le groupe des élus communistes / Fase ne votera pas la délibération qui impose dès la rentrée prochaine à Montreuil, cette réforme des rythmes scolaires.

 

Publié dans Menu du mois (agenda)

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